Soissons

1 - Le contexte et la problématique

La ville de Soissons a pour ambition de transformer l’offre et les usages de la mobilité sur plusieurs plans. Dans cet objectif, elle est en train de mener quatre études, à savoir :

  • Un schéma directeur cyclable élaboré à l’échelle du pôle d’équilibre territorial et rural du Soissonnais et du Valois

  • Un plan de circulation du centre-ville

  • Une étude sur les transports soissonnais

  • Une étude sur le réaménagement de l’avenue Charles De Gaulle reliant la gare SNCF au centre-

    ville

Si les objectifs de ces études sont multiples (augmenter la part modale des modes doux, améliorer la circulation entre la gare SNCF et le centre-ville, rendre les transports en commun plus lisibles...), ils traduisent tous une stratégie de mobilité cohérente dans laquelle la voiture sera amenée à jouer un rôle moins prépondérant. Dans ce contexte, deux problématiques relatives à l’usage de la voiture et le stationnement ressortent :

  • La part modale de la voiture est prégnante (73%)

  • Des pratiques de stationnement problématiques qui donnent lieu à deux types de nuisances : des voitures ventouses1 et la surutilisation de certains parkings couplée à la sous-utilisation d’autres à certains moments et dans certains endroits du centre-ville

En ce qui concerne la part modale de la voiture, plusieurs facteurs expliquent un taux si élevé :

  • Soissons est situé dans un maillage très rural. De ce fait, beaucoup de déplacements nécessitent parcourir plusieurs kilomètres pour se rendre à/rentrer dans des espaces peu denses non ou mal desservis par le transport en commun.

  • Soissons est un arrondissement résidentiel. De ce fait, un actif sur trois travaille en dehors de l’arrondissement de Soissons (Paris, Reims, Château-Thierry, Laon, Reims...), ce qui implique de faire des trajets longs plus accessibles en voiture.

  • Des liaisons ferroviaires insuffisantes. Parmi les différents pôles d’activité attirant un actif sur trois en dehors de l’arrondissement de Soissons, seulement Paris est accessible par train.

  • Des lignes de bus qui présentent plusieurs limites : fréquence insuffisante, durée des trajets trop élevée en comparaison à un trajet en voiture, mauvaise lisibilité du plan de circulation lignes...

  • Un attachement culturel à la voiture

Ces problématiques sont d’autant plus marquées que le centre-ville de Soissons a une taille réduite qui permettrait à beaucoup de résidents de diminuer leur usage de la voiture (il peut être traversé en 10 minutes à pied) et que l’offre de stationnement est largement suffisante. En effet, le centre-ville dispose d’environ 1 700 places de stationnement et 350 commerces, ce qui équivaut à près de 5 places par magasin.

Par ailleurs, la mairie de Soissons dispose actuellement d’une variété de sources de données numériques qui pourraient être exploitées pour agir sur ces problématiques :

  • Stationnement intelligent. Le centre-ville est équipé de capteurs par analyse d’images permettant de connaître en temps réel le nombre de places disponibles et le nombre de places occupées ainsi que le statut d’occupation (en infraction ou pas) en fonction de la durée de stationnement. Ces capteurs, focalisés sur les axes principaux, couvrent aujourd’hui environ 1 000 places sur 1 700, soit près de 59% des places du centre-ville.

  • Open data. Le portail open data de la ville inclut plusieurs données de mobilité (emplacement des arrêts de bus, prix des carburants...)

  • Données sur les flux piétons dans 10 zones du centre-ville

D’autres sources de données de mobilité relatives au centre-ville existent mais ne sont pas exploitables à ce stade par la mairie de Soissons. Nous reviendrons sur ce point dans la section 3.

Dans ce contexte, la mairie de Soissons a candidaté à l’AMI open data Action Cœur de Ville dans l’objectif d’être accompagnée sur comment utiliser les données de mobilité dont elle dispose pour atteindre trois grands objectifs liés aux problématiques présentées plus haut : diminuer la part modale de la voiture en faveur des modes doux et apporter des solutions aux problématiques des voitures ventouses et de surutilisation de certains parkings couplée à la sous-utilisation d’autres. Ce document présente le travail mené par Chronos en ce sens auprès de la ville de Soissons dans le cadre de l’AMI.

Améliorer le fonctionnement du stationnement en centre-ville pourrait être contradictoire avec la baisse de la part modale de la voiture. En effet, si l’expérience de stationnement est améliorée, cela créerait des incitations à l’usage de la voiture. Dans l’objectif d’échapper à cette contradiction, les changements de comportement des automobilistes ciblés dans l’étude visent à utiliser les données de mobilité (y compris de stationnement) soit pour décourager des trajets en voiture qui pourraient être faits à vélo ou à pied, soit pour améliorer l’expérience de stationnement des automobilistes n’ayant pas d’alternative à la voiture actuellement (notamment les personnes habitant loin du centre-ville). En effet, compte-tenu des nombreux facteurs qui obligent beaucoup d’habitants à avoir recours à la voiture cités plus haut, l’étude ne vise pas à diminuer la part modale de la voiture liée à des déplacements pour lesquels une alternative réaliste (moyens de transport alternatifs performants ou conditions permettant la démobilité) n’existe pas actuellement. Une telle tâche requiert des actions structurelles à une échelle supérieure à celle de la ville de Soissons et pour lesquelles le recours aux données numériques ne représenterait pas une contribution. De ce fait, elle dépasse le cadre de cette étude.

2 - Objectifs de changement de comportement, informations nécessaires et conditions de succès pour les atteindre

En partant des résultats des entretiens semi-directifs menés auprès de plusieurs agents de la mairie et de Grand Soissons Agglomération2, ainsi que de l’étude de la documentation fournie par la mairie de Soissons, nous avons précisé les problématiques exprimées de façon à les décliner en objectifs de changement de comportement des automobilistes. Chaque objectif a été rattaché à un profil d’automobiliste. Nous avons par ailleurs indiqué, pour chaque objectif, quelles sont les informations nécessaires pour les atteindre, ce qui permettra de produire des recommandations sur comment utiliser les données numériques en ce sens dans la Section 3 de ce document. Finalement, chaque objectif est rattaché à des conditions de succès qui dépassent la question de l’exploitation des données numériques. En effet, si les données peuvent être un levier au service des politiques de mobilité, elles ne suffissent pas à les rendre opérationnelles. Au contraire, l’utilisation des données doit s’articuler de manière cohérente à des politiques de mobilité qui vont au-delà du numérique pour avoir un effet transformateur.

Le tableau ci-dessous synthétise ces informations. Il est important de signaler que les objectifs listés sont en grande partie interdépendants. Pour être atteints dans les meilleurs conditions possibles ils doivent être compris comme un tout cohérent. Par exemple, diminuer l’usage de la voiture lié aux achats par les résidents du centre-ville et des quartiers à proximité (objectif 3) implique que ces derniers fassent plus de recours au stationnement de longue durée. Ceci renvoie à la problématique des voitures ventouse. En effet, si les résidents du centre-ville et des quartiers à proximité sont amenés à moins utiliser leurs voitures particulières, il est souhaitable que celles-ci soient stationnées dans des parkings gratuits sous-utilisées ou dans des parkings payants avec la carte résident de façon à éviter la surutilisation de certains parkings par des voitures ventouses des résidents (objectif 1).

Tableau 1: Synthèse des objectifs de changement de comportement de stationnement et des moyens nécessaires pour les atteindre

Le problème des voitures ventouses a été traité en privilégiant une approche incitative (campagnes de communication et forfaits de la carte résident attractifs) plutôt que répressive (verbalisations). L’approche incitative semble être une bonne première approche qui pourrait, le cas échéant, être accompagnée dans un deuxième temps d’une augmentation des verbalisations si les incitations s’avèrent insuffisante pour répondre au problème des voitures ventouses (objectifs 1 et 2). Si une augmentation des verbalisations s’avère pertinente, la police municipale dispose déjà d’alertes automatiques générées par la plateforme de gestion des places de stationnement surveillées.

En ce qui concerne l’incitation des personnes résidant dans ou près du centre-ville à ne pas utiliser la voiture pour faire des achats en centre-ville (objectif 3) et l’incitation des personnes résidant loin du centre-ville à stationner dans un parking sous-utilisé pour ensuite faire plusieurs achats à pied (objectif 5), deux problèmes liés se posent. Il s’agirait premièrement de connaître quel est le temps maximal de parcours à pied entre le parking et le magasin de centre-ville que les individus habitant en dehors du centre-ville accepteraient de marcher. Deuxièmement, si le stationnement gratuit en centre-ville se réduit trop, ces personnes risquent d’opter pour des zones commerciales en dehors du centre-ville qui offrent du stationnement gratuit.

La question du temps maximal de parcours acceptable entre le parking et le lieu de destination (ex : le magasin) peut être décomposée en deux familles de variables qui l’influencent. La première famille regroupe les variables influençant le temps maximal de trajet à pied sur lesquels les collectivités locales ne peuvent pas agir : âge, situation d’handicap, temps dont la personne dispose au moment de réaliser son trajet... Ces variables sont propres à l’individu et la situation dans laquelle ils se trouvent au moment de se déplacer. Plusieurs sources (traces numériques, enquêtes, observation...) peuvent être utilisées pourmesurer de manière plus ou moins exacte le temps de trajet à pied maximal toléré par les individus en fonction de leurs caractéristiques individuelles. La deuxième famille comprend les variables influençant le temps maximal de parcours à pied toléré par l’individu sur lesquelles les collectivités locales peuvent agir :

  • Offre de places disponibles dans le parking préconisé par la collectivité par rapport à l’offre de places disponibles dans le parking ciblé par l’individu

  • Prix du parking préconisé par la collectivité par rapport au prix du parking ciblé par l’individu

Compte tenu de la taille du centre-ville de Soissons, dans beaucoup de cas les habitants n’ayant pas une mobilité réduite devraient trouver le temps de marche le plus long possible (soit 10 minutes, ce qui équivaut à traverser le centre-ville) acceptable.

En ce qui concerne ces deux variables, plusieurs cas de figure représentés dans la figure ci-dessous peuvent être envisagés selon comment elles se combinent.

Figure 1: Temps de marche à pied parking-magasin maximale tolérée en fonction de plusieurs variables

La Figure 1 synthétise comment le temps maximal de marche entre le parking et le magasin toléré par les automobilistes évoluerait en fonction du prix et de la disponibilité des places situées en face des magasins vis-à-vis des places des parkings actuellement sous-utilisés situés plus loin des magasins. Ces combinaisons de prix/disponibilités traduisent des contraintes et des incitations qui peuvent mener à des changements de comportements de la part des automobilistes. Chacune des 4 situations représentées dans la Figure 1 représentent des cas extrêmes qui sont mis en relief pour illustrer comment le choix des automobilistes peut dépendre des prix et des disponibilités de places de stationnement. Une infinité de cas intermédiaires sont possibles.

L’axe des abscisses représente le rapport de prix entre le parking ciblé par l’automobiliste (typiquement une place en face du lieu de destination) et le parking dans lequel la collectivité voudrait que l’individu stationne son véhicule (typiquement un parking sous-utilisé situé plus loin du lieu de destination). A fur et

à mesure qu’on avance de gauche à droite sur l’axe, le prix du parking ciblé par l’automobiliste devient plus élevé par rapport à celui du parking préconisé par la mairie. L’extrême droit de cet axe correspond au cas où le parking ciblé par l’automobiliste serait « très cher » et le parking préconisé par la mairie serait gratuit. L’extrême gauche de l’axe représente la situation inverse. L’axe des ordonnées représente le rapport entre les places disponibles dans le parking ciblé par l’automobiliste et le parking préconisé par la collectivité. Au fur et à mesure qu’on avance du bas vers le haut de l’axe, le nombre de places disponibles dans le parking ciblé par l’automobiliste devient plus élevé par rapport au nombre de places disponibles dans le parking préconisé par la mairie. Dans l’extrême haut de cet axe le parking ciblé par l’automobiliste aurait donc « beaucoup » de places disponibles et le parking préconisé par la mairie en aurait peu voire aucune. Dans l’extrême bas la situation inverse aurait lieu.

Chacun des quatre points placés sur le graphique représentent des situations extrêmes de combinaisons prix/disponibilité donnant lieu à des temps de marche maximaux tolérés différents. Pour répondre aux objectifs de diminuer l’usage de la voiture par les personnes résidant dans ou à proximité du centre-ville en faveur de la marche à pied et le vélo (objectifs 3 et 4) et d’inciter les personnes habitant loin du centre-ville à stationner leurs voitures dans un parking sous-utilisé et faire le reste des trajets à pied (objectif 5), il faudrait tendre vers le point bas à droite de la Figure 1. Ceci impliquerait que les parkings ciblés par les automobilistes soient chers par rapport à ceux préconisés par la mairie (ex : parking ciblé par l’automobiliste gratuit pendant 15 min vs parking préconisé par la mairie gratuit pendant 3h) et que le nombre de places disponibles dans le parking ciblé par l’automobiliste soit faible par rapport au nombre de places disponibles dans le parking préconisé par la mairie. Cependant, il est important de rappeler que les mesures proposées ne seront pas efficaces et peuvent être même contreproductives (désertion du centre-ville au profit des zones commerciales) que si elles sont accompagnées d’autres mesures qui incitent au déplacements doux (voir conditions de succès 3.1 à 3.6 et objectif 1).

D’autres combinaisons prix/disponibilités donneraient lieu à différents types de comportements et donc à d’autres temps maximaux de marche à pied tolérés. L’encart ci-dessous présente quelques cas extrêmes indiqués dans la Figure 1 et la situation actuelle à titre de comparaison.

Encart 1: Situations extrêmes et situation actuelle à partir de différentes combinaisons prix/disponibilité

Situation actuelle (point en haut à gauche). Les places disponibles en face des magasins sont nombreuses et le temps de stationnement nécessaire pour faire des achats est gratuit (parkings gratuits ou temps de stationnement inférieur aux 15 minutes gratuites accordés en places payantes). Ceci incite les automobilistes à faire recours à la voiture pour chaque achat et donc à tolérer un temps de marche à pied entre le lieu du stationnement et le magasin très limité.

Situation extrême « beaucoup de petits trajets ou infraction » (point en haut à droite). Beaucoup de places sont disponibles en face des magasins, alors que peu de places sont disponibles dans les parkings préconisés par la mairie. En revanche, alors que les premières sont payantes, ces dernières sont gratuites. Dans cette situation, l’automobiliste se dirigera vers des places situées en face du magasin tant que le temps de stationnement soit suffisamment court pour éviter de payer (moins de 15 minutes avec les tarifs actuels) ou que la probabilité d’être verbalisé soit faible. Le temps maximal de marche à pied toléré se situera quelque part entre celle correspondant aux deux situations précédentes.

Situation extrême « long temps de recherche d’une place » (point en bas à gauche). Les places en face des magasins sont gratuites et peu nombreuses alors que les parkings préconisés par la mairie disposent de beaucoup de places payantes. L’automobiliste passera donc un temps considérable à rechercher une place face au magasin pour éviter de payer son stationnement. S’il trouve une place en face du magasin, il fera le reste des achats à pied au moins qu’il repère une place disponible face au prochain magasin de son itinéraire.

Toutefois, pour qu’une (bonne) combinaison d’incitations et de contraintes puisse être efficace plusieurs informations doivent être intériorisées par les individus. Pour que les automobilistes soient incités à se rendre à un parking préconisé par la mairie, il faut qu’ils sachent que le parking existe en premier lieu et qu’ils puissent se faire une idée du nombre de places disponibles dans ce parking par rapport au nombre de places disponibles en face du lieu de destination. Si, en plus, des informations confrontant leurs représentations des temps de parcours leur sont transmises (ex : « vous êtes à 3 minutes à pied de votre lieu de destination »), ces incitations vont être plus efficaces. En ce qui concerne les contraintes, il faut également que les individus sachent à quel point il est difficile de trouver une place en dehors du parking préconisé par la mairie, qu’ils connaissent la politique tarifaire et que celle-ci soit appliquée de manière rigoureuse.

Ceci renvoie à deux aspects clés à prendre en compte dans l’élaboration d’une politique visant à changer les comportements de stationnement à l’aide de la donnée que nous traiterons dans la Section 3 :

  • la production des données et des indicateurs pertinents pour faire évoluer les comportements

  • et la façon dont ils sont traduits en informations appréhendables par les usagers.

A ceci s’ajoutent des conditions de succès qui dépassent le domaine des données numériques (contrôle des infractions, un espace urbain qui incite les individus à marcher...) déjà énumérées dans la dernière colonne de droite du Tableau 1.

En ce qui concerne la question de la concurrence entre les commerces de centre-ville et les centres commerciaux, une contradiction dans les objectifs de politique publique de Soissons apparaît. Inciter l’usage des modes doux au détriment de la voiture (objectifs 3 et 4) et promouvoir un usage limité de la voiture pour les achats en centre-ville (objectif 5) nécessite de limiter l’offre de stationnement gratuit très proche des commerces. Cependant, ceci inciterait les individus à opter pour les centres commerciaux en dehors du centre-ville, lesquels offrent du stationnement gratuit et quasi-illimité. Ceci irait à l’encontre des politiques de revitalisation du commerce de centre-ville en cours. La résolution de cette contradiction passe par la reconversion du centre-ville et la mise en place d’un système de livraison.

En ce qui concerne la reconversion du centre-ville, il s’agirait de le rendre plus attirant en agissant à la fois sur l’espace urbain et sur l’animation commerciale tout en veillant à ce que la typologie des commerces soit adaptée à la population. Cette reconversion permettrait de rendre le centre-ville plus agréable pour en faire un espace auquel les habitants se rendent pour d’autres raisons que la réalisation d’achats. De cette façon, l’arbitrage en faveur du centre-ville serait fait indépendamment de l’offre de stationnementdes centres commerciaux. Une telle reconversion constitue un processus long que la ville de Soissons ne peut pas mener par elle-même. Au contraire, un travail multi-partenarial dont la ville serait une des parties prenantes doit être réalisé. La reconversion du centre-ville ne doit donc pas être pensée comme une action à être menée par la ville dans le cadre de cette étude mais comme une condition permettant d’atteindre les objectifs 3 et 4 (inciter l’usage des modes doux au détriment de la voiture) et 5 (promouvoir un usage limité de la voiture pour les achats en centre-ville) sans nuire à l’attractivité commerciale du centre-ville.

Concernant le système de livraison, il s’agit d’atteindre les objectifs 3 et 5 sans détourner vers les centres commerciaux les individus qui font recours à la voiture pour transporter leurs achats. En effet, un service permettant d’acheter en centre-ville et de se faire livrer les courses faites dans plusieurs magasins à domicile permettrait de faire des achats à pied ou à vélo. Les habitants qui, soit par préférence ou du fait d’habiter loin du centre-ville préféreraient utiliser leurs voitures auraient toujours l’option de stationner dans des parkings actuellement sous-utilisés se trouvant à proximité des magasins.

3 - Transformer les données en information au service des politiques de mobilité

Dans cette section nous présentons les indicateurs que nous avons construits à partir des données exploitables par la mairie de Soissons pour aider à répondre aux problématiques de mobilité évoquées dans la section 2. Ces indicateurs ont été produits dans un tableau de bord (voir fichier Excel annexe) à partir de données réelles couvrant le mois de janvier 2020, seul mois pour lequel une série de données de stationnement « normale »3 était disponible. Si, comme nous l’expliquerons par la suite, cette période estinsuffisante pour tirer des conclusions fermes, elle nous permet néanmoins d’illustrer la méthodologie de construction des indicateurs et leur interprétation.

Le tableau ci-dessous résume quels indicateurs ont été développés en fonction des objectifs de changement de comportement définis dans la section 2 et comment ils peuvent être utilisés pour contribuer à les remplir. Dans les sections suivantes nous décrivons comment chaque indicateur a été construit et nous apportons des éclairages méthodologiques pour les manipuler et interpréter.

Tableau 2: Indicateurs à mobiliser et usages possibles pour répondre aux problématiques de mobilité

En ce qui concerne la problématique du fort recours à la voiture pour des trajets courts en centre-ville, il est important de signaler que les indicateurs proposés ne permettent pas de distinguer les automobilistes habitant le centre-ville ou à proximité et ceux habitant loin du centre-ville. Comme nous le détaillerons dans les sous-sections 3.1.3 et 3.1.4, ces indicateurs doivent être utilisés comme un instrument de diagnostic et de ciblage et suivi de politiques publiques de mobilité.

3.1 Les indicateurs construits 3.1.1 Taux d’occupation

Définitions

Taux d’occupation : Nombre de voitures stationnées à un instant t dans la zone / Nombre de places disponibles dans la zone

Taux d’occupation moyen : Moyenne des taux d’occupation de la zone / pour un horaire-jour donné pendant une période

Source des données et méthode de calcul

Les taux d’occupation ont été calculés à partir de l’extraction « Capture de l'occupation par heure » de Parking Map. Etant donné que cette extraction ne permet d’obtenir que les données des dernières 48 heures de la date choisie, nous avons réalisé une quinzaine d’extractions (soit des extractions couvrant la totalité du mois de janvier 2020) par zone de stationnement par zone et compilé les données. Nous avons associé à chaque date le jour de la semaine correspondant de façon à pouvoir analyser les tauxd’occupation moyen selon le jour de la semaine.

Il est important de signaler que nous avons réalisé une étude sur un seul mois étant donné que, comme expliqué plus haut, il s’agissait de la seule période avec des données « normales ». Néanmoins, une fois que plus de données normales seront générées, nous recommandons de calculer les taux d’occupation moyens sur une période d’entre 4 et 6 mois. Le choix des mois doit prendre en compte les facteurs qui peuvent influencer significativement l’usage de la voiture en centre-ville de façon à regrouper des mois comparables. Par exemple, les semaines des vacances scolaires pourraient être analysées séparément des semaines scolaires s’il s’avère qu’un nombre significatif de stationnements est expliqué par le fait que des parents déposent leurs enfants à l’école. Pour établir quelles séries de mois doivent être regroupées dans l’analyse nous recommandons faire recours à des études de mobilité et des enquêtes faires sur le territoire ainsi qu’aux connaissances des usages du stationnement de la mairie.

Finalement, nous avons exclu de l’analyse deux types de données. Premièrement, les jours fériés allant du lundi au vendredi. En effet, les comportements de stationnement varient considérablement entre les jours de semaine, d’une part, et les week-end et les jours fériés, d’autre part. De ce fait, dans l’objectif de ne pas biaiser l’interprétation des taux d’occupation moyens par jour de la semaine, nous avons exclu les jours fériés ayant eu lieu en jours de semaine. Deuxièmement, nous avons exclu les « données aberrantes », soit les registres pour lesquels le nombre d’usages (voitures stationnées) dépasse le nombre de places disponibles de la zone.

Interprétation et usages de l’indicateur

Comme indiqué dans le Tableau 2, le taux d’occupation moyen d’une zone de stationnement à un moment (tandem heure / jour de la semaine) pourra être utilisé pour orienter les automobilistes vers les zones de stationnement sous-occupées. Plusieurs considérations méthodologiques doivent être prises en compte pour réaliser une telle préconisation.

Premièrement, étant donné que les taux d’occupation varient considérablement en fonction du jour de la semaine et de l’horaire, ils doivent être calculés par jour de la semaine et horaire. De ce fait, les préconisations faites aux automobilistes ne devront pas porter sur une zone en elle-même mais plutôt sur une zone en particulier en fonction du jour de la semaine et de l’heure. Ceci est d’autant plus important que la perception du taux d’occupation des automobilistes est basée sur les horaires / jours pendant lesquels ils cherchent à stationner. De ce fait, les taux d’occupation perçus pour un jour donné sont souvent plus élevés que ceux calculés pour la journée entière. Pour illustrer ce point, imaginons une zone qui est inoccupée entre 0h et 12h et se remplit entièrement entre 13h et 0h, ce qui oblige une partie des automobilistes à chercher une autre zone de stationnement entre 13h et 0h. Ces automobilistes auront perçu un taux d’occupation de 100% même si, calculé sur une journée, il est de 50%.

Deuxièmement, pour réaliser une telle préconisation, une comparaison des taux d’occupation pour un tandem horaire / jour de la semaine des 13 zones de stationnement surveillées doit être faite. L’onglet « Comparaison des taux d’occupation » du tableau de bord sert à faciliter cet exercice. Par exemple, comme illustré ci-dessous, les données de janvier 2020 indiquent que la Place Mantoue est une zone généralement sous-occupée par rapport à la moyenne, notamment les samedis. En revanche, les lundis à 10 heures du matin semble être un créneau pour lequel cette zone est sur-occupée par rapport à la moyenne.

Figure 3 : Taux d’occupation en janvier 2020 de la Place Mantoue par rapport à la moyenne des zones de stationnement de Soissons selon heure et jour de la semaine

Troisièmement, si les différences de taux d’occupation entre zones pour un tandem horaire / jour doivent être prises en compte pour orienter les automobilistes vers les parkings sous-utilisés, des seuils d’occupation à partir desquels une zone peut être considérée comme « sous-occupée » ou « très sous- occupée » à un moment donné doivent être établis. Dans le cas contraire, des automobilistes pourraient être dirigés vers des zones sous-occupées par rapport à la moyenne mais pour autant sur-occupées. Il est donc important de souligner que, compte-tenu des objectifs de changement de comportement cités plus haut, une zone doit être considérée comme « sous-occupée » à un moment donné si, en s’y rendant, l’automobiliste a une grande probabilité de trouver une place.

La littérature montre que, comme illustré dans la figure ci-dessous (cf. Figure 4), la relation entre le taux d’occupation et la probabilité de trouver une place libre est exponentielle. Autrement dit, au fur et à mesure que le taux d’occupation augmente, la probabilité de trouver une place vide diminue de plus en plus vite. Les études empiriques et des simulations (Gallo et al., 2011; Levy et al., 2013; Martens and Benenson, 2008; Benenson et al., 2008)4 montrent qu’en dessous d’un taux d’occupation de 85% laprobabilité de trouver une place vide est élevée (supérieure ou égale à 90%). Nous recommandons donc d’utiliser ce seuil comme première démarcation entre les zones « sous-occupées » et « sur-occupées ». Pour ces dernières, compte-tenu de la relation exponentielle entre le taux d’occupation et la probabilité de que la zone soit pleine, nous recommandons l’utilisation d’une gradation de seuils de plus en plus proches les uns des autres au fur et à mesure que le taux d’occupation augmente de façon à différencier des niveaux de sur-occupation. Le tableau ci-dessous présente les seuils pour évaluer la probabilité de ne pas trouver une place en fonction du taux d’occupation.

Tableau 3: Seuils de taux occupation horaire permettant d’évaluer la probabilité de trouver une place

Figure 4: Relation entre le taux d'occupation horaire (axe des abscisses) et la probabilité de que le parking soit plein (axe des ordonnées) en fonction du nombre de places

Source : Millard-Ball, Weinberger & Hampshire (2014)5

Par ailleurs, étant donné que la probabilité que la zone soit pleine décroit en fonction du nombre de places, des seuils différents pourraient être établis en fonction de la zone. Par exemple, des seuils plus élevés pourraient être établis pour la Place Fernand Marquigny et la rue Jean de Dormans.

Les seuils proposés permettent d’évaluer si le taux d’occupation observés dans chaque poche de stationnement à une certaine heure peut se traduire par une difficulté à trouver une place pour l’automobiliste. Cependant, étant donné que à Soissons le taux d’occupation est en dessous de 69% pour la plupart des tandems jour de la semaine / horaire / lieu, nous proposons dans le Tableau de bord d’utiliser une gradation de couleurs qui ne tiennent pas compte de seuils fixés à priori mais qui, au contraire, signale les écarts de taux d’occupation indépendamment de leurs valeurs.

Ceci dit, même en absence de problèmes de sur-occupation des poches de stationnement il est intéressant de pouvoir comparer quelles poches de stationnement sont plus ou moins occupées que la moyenne de l’horaire/jour en question. L’onglet « Comparaison taux d’occupation » du tableau de bord offre une telle comparaison en surlignant en vert les horaires/jours avec un taux d’occupation 50% en dessous de la moyenne des poches de stationnement pour le même horaire/jour et en rouge les horaires/jours avec un taux d’occupation 50% supérieur à la moyenne des poches de stationnement pour le même horaire/jour. Par exemple, comme la figure ci-dessous le montre (cf. Figure 5), en janvier 2020 l’occupation de la Place de l’Hôtel de Ville a été 64% inférieure à la moyenne des poches de stationnement les samedis à 8h.

Figure 5: Extrait de l'onglet "Comparaison taux d'occupation" du tableau de bord (données janvier 2020)

3.1.2 Nombre de voitures ventouses

Définition :

Nombre de voitures stationnées pendant une période supérieure à 7 jours.

Source des données et méthode de calcul

Les données sont issues de l’extraction « Evolution des usages » de Parking Map. Le nombre de voitures ventouses a été agrégé par jour de la semaine et zone dans le tableau « Voitures ventouses – 13 zones » du tableau de bord (cf. Figure 6 ci-dessous). Des moyennes ont été calculées pour chaque zone et jour de la semaine. Contrairement au cas de l’indicateur « taux de stationnement », pour lequel des seuils critiques étaient pertinents pour analyser les données en vue de l’objectif (détecter quelles zones /horaires présentaient une forte ou faible probabilité de ne pas avoir des places disponibles), le nombre absolu de voitures ventouses est un indicateur pour lequel la fixation de seuils critiques ne sera pas utile à la prise de décisions. De ce fait, les couleurs du tableau « Voitures ventouses – 13 zones » ne répondent à aucun seuil fixé a priori mais à une comparaison des écarts de données. De de ce fait, le rouge le plus foncé est attribué à la valeur la plus haute et le vert le plus foncé à la valeur la plus base.

Interprétation et usages de l’indicateur

La comparaison du nombre de voitures ventouses selon le jour de la semaine et les zones présentée dans le tableau « Voitures ventouses – 13 zones » du tableau de bord (cf. Figure 6 ci-dessous) permet de tirer des conclusions utiles à la réalisation des objectifs 1 et 2. Le code de couleurs permet de voire rapidement quels sont les jours de la semaine et les zones qui présentent le plus de voitures ventouses.

Figure 6: Onglet « Voitures ventouses - 13 zones » du tableau de bord (données janvier 2020)

Une première lecture par ligne sert à détecter les zones sur lesquelles un politique de réduction du nombre de voitures ventouses est prioritaire. Les données de janvier 2020 montrent que la Place de l’Evêché et la Place Fernand Marquigny sont les deux zones qui présentent en moyenne le plus de voitures ventouses. En effet, le nombre de voitures ventouses moyen par jour est 2,8 fois supérieur à la moyenne des zones pour la première et 2 fois supérieur pour la seconde. Les lundis apparaissent comme les jours les plus problématiques pour la Place de l’Evêché (35 voitures ventouses en moyenne, soit près de 6 fois plus de la moyenne) et les mardis et les mercredis comme les plus problématiques pour la Place Fernand Marquigny (30 et 44 voitures ventouses respectivement). Cependant, suite à une consultation auprès du fournisseur de capteurs de la ville de Soissons nous avons pu constater que les informations relatives aux voitures ventouses les mercredis dans la Place Fernand Marquigny sont inexactes. Toutefois, même si les informations sont imprécises, la façon de les interpréter à travers le tableau « Nombre de voitures ventouses par zone et jour de la semaine » reste exacte.

Une deuxième lecture par colonne permet d’identifier les jours de la semaine dans lesquels la problématique de voitures ventouses est plus fréquente. Les données de janvier 2020 montrent que les lundis et les mardis sont les jours pour lesquels le nombre moyen de voitures ventouses dépasse la moyenne. Si un nombre moyen de voitures ventouses plus élevé en semaine qu’en week-end est constaté sur une période de temps plus représentative, cela pourrait signaler la présence de voitures ventouses liée à des déplacements domicile travail.

Un croisement entre les données des voitures ventouses et les données de sur-occupation et de sous- occupation permet d’identifier vers quels parkings une solution légale de stationnement de longue durée pourrait être promue auprès des automobilistes responsables des voitures ventouses. Par exemple, les lundis, les mardis et les mercredis ayant été identifiés comme les jours de la semaine pour lesquels les voitures ventouses sont plus présentes et concentrés sur les zones « Place Fernand Marquigny » et « Place de l’Evêché », il s’agit de chercher quels sont les zones pour lesquelles les taux d’occupation sont les plus bas ces jours pour orienter les automobilistes vers ceux qui seraient les plus proches des deux zones mentionnées. En examinant l’onglet « Comparaison taux d’occupation » nous voyons que, en janvier 2020, les mercredis la Place Mantoue (12% de taux d’occupation, soit -62% par rapport à la moyenne de ce jour) et l’Esplanade du Mail (19% de taux d’occupation, soit -54% par rapport à la moyenne de ce jour) sont particulièrement sous-occupées.

Il est intéressant de noter que c’est aussi le cas pour la Place Fernand Marquigny, qui présente un taux d’occupation de 14% en moyenne les mercredis, soit -54% par rapport à la moyenne de ce jour. Cela indique que les voitures ventouses n’empêchent pas autres voitures de stationner dans la Place Fernand Marquigny les mercredis.

3.1.3 Taux de rotation

Définition

𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑣éh𝑖𝑐𝑢𝑙𝑒𝑠 𝑎𝑦𝑎𝑛𝑡 𝑠𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑛é 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑎 𝑧𝑜𝑛𝑒 𝑖 𝑝𝑒𝑛𝑑𝑎𝑛𝑡 𝑢𝑛𝑒 𝑝é𝑟𝑖𝑜𝑑𝑒 / 𝑁𝑜𝑚𝑏𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑝𝑙𝑎𝑐𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑧𝑜𝑛𝑒 𝑖

Source des données et méthode de calcul

Les taux de rotation ont été calculés à partir de l’extraction « Moyenne hebdomadaire d'usages par heure » de Parking Map. Pour obtenir le taux de rotation horaire, chacune des valeurs de cette extraction a été divisée par le nombre de places de la zone en question.

Interprétation et usages de l’indicateur

Le taux de rotation indique le nombre moyen de voitures qui ont occupé une place de stationnement pendant une période. Si, par exemple, le taux de rotation horaire d’une zone est égal à 2, cela veut dire que, en moyenne, chaque place a été occupée 2 fois pendant une heure.

Cet indicateur est donc un outil de diagnostic qui permet d’identifier les zones, les jours de la semaine et les horaires pour lesquels le temps moyen de stationnement est le plus bas ou, au contraire, le plus élevé : quand le taux de rotation augmente, le temps moyen de stationnement de chaque voiture diminue. Cependant, le taux de rotation n’indique pas comment ce temps moyen de stationnement se distribue. Si on revient à l’exemple précédent, les deux voitures auraient pu stationner 30 min chacune, mais aussi 50 min pour la première et 10 minute pour la seconde. Ou encore, 10 minutes pour la première et 2 minutes pour la seconde, le reste du temps la place étant resté inoccupée.

De ce fait, nous recommandons de croiser cet indicateur avec la distribution du temps de stationnement (voir ci-dessous) par zone, les deux étant complémentaires. Le taux de rotation permet d’obtenir une mesure de la demande de stationnement entre zones et créneaux horaires qui est comparable d’une zone à l’autre. La distribution du temps de stationnement par zone fournit le détail de comment cette demande de stationnement a été répartie en termes de temps de stationnement. Le croisement de ces deuxindicateurs est d’autant plus important que, dans le cas de Soissons, la plateforme Parking Map fournit des données permettant de calculer des taux de rotation horaire selon le jour de la semaine mais ne produit des informations sur la distribution du temps de stationnement que par jour de la semaine. Etant donné que la demande de stationnement varie considérablement tout au long d’une journée, il convient donc d’intégrer les deux indicateurs dans l’analyse.

En ce sens, le taux de rotation peut être utilisé pour aider à la mise en place et le suivi des objectifs relevant de l’incitation de l’usage de mode doux pour des trajets courts en centre-ville (objectifs 3 et 4). Les zones, jours et horaires pour lesquels les taux de rotation sont les plus élevés sont ceux pour lesquels le temps moyen de stationnement devrait être le plus bas. De ce fait, ils représentent les cibles prioritaires d’une politique de report modale vers des modes doux. La comparaison des taux de rotation pour un tandem horaire / jour de la semaine des 13 zones de stationnement surveillées faite dans l’onglet « Comparaison des taux de rotation » du tableau de bord sert à faciliter cette prise de décision.

Les données de janvier 2020 issues de cet onglet font émerger des cibles prioritaires. On constate que pour une grande partie des horaires / jours de la semaine la Rue Saint Martin présente des taux de rotation plus de 50 % (et, dans beaucoup de cas, plus de 100%) au-dessus de la moyenne des 13 zones pour l’heure / jour de la semaine en question. D’autres cibles plus circonscrites à des jours / horaires émergent également, comme par exemple le Square Bonnenfant les samedis jusqu’à 13h.

Il est important de signaler que des tandems « zone / horaire / jour de la semaine » avec de grands écarts à la moyenne ne doivent pas être analysés sans être mis en perspective par rapport aux taux de rotation. Par exemple, les données de janvier 2020 montrent que le taux de rotation de la Place Dauphine est 146% plus élevé que la moyenne des zones les jeudis à 2h du matin. Cependant, le taux de rotation horaire de la Place Dauphine pour ce créneau est de 0,54. Cela veut dire que, en moyenne, moins d’une voiture utilise une place entre 2h et 3h du matin. De ce fait, ce tandem « zone / horaire / jour de la semaine » ne devrait pas faire l’objet d’une cible de réduction de la part modale de la voiture pour de très courts trajets.

En ce sens, il est important de signaler qu’un niveau de rotation donné ne doit pas être analysé en soi mais par rapport à un objectif de politique publique. En effet, des bas taux de rotation seront considérés positifs pour une zone résidentielle mais problématiques pour une voie commerciale en hyper-centre. La littérature donne des repères en ce qui concerne le taux de rotation journalier (voitures / place / jour).

En reprenant les études du CEREMA ( Stationnement et déconfinement : Un nouveau regard pour réinventer l'espace public Nantes Métropole, Auran (2016). Mobilo’scope #2 (2020)), nous avons proposé les seuils suivants pour analyser les taux de rotation journaliers que l’onglet « Taux de rotation – 13 zones » du Tableau de bord calcule pour chaque zone :

Tableau 4: Qualification des taux de rotation journaliers proposés

De même, le taux de rotation doit également s’analyser au regard du caractère payant ou non du stationnement : des taux de rotations plus importants devraient être observés dans des zones qui offrent peu ou pas de temps de stationnement gratuit et vice-versa. De ce fait, le temps de stationnement gratuit offert dans chaque zone peut être utilisé comme un levier pour faire varier le taux de rotation dans le sens d’une politique publique de mobilité.

En ce sens, dans une perspective de suivi de l’efficacité de politiques publiques visant à réduire la part modale de la voiture expliquée par des trajets courts en centre-ville, une baisse du taux de rotation accompagnée d’une hausse des flux piétons et de l’usage du vélo dans les zones et créneaux ciblés devraient être observés si la politique a du succès. En ce qui concerne les flux piétons, les données issues de MyTraffic pourraient être mobilisées. Quant aux données d’usage du vélo, nous recommandons deréaliser des enquêtes après une fois les aménagements cyclables prévus dans le cadre de schéma directeur cyclable réalisés.

3.1.4 Stationnement de courte durée

Définitions

Pourcentage de véhicules stationnés pendant moins de 15 minutes pendant une période donnée.

Interprétation et usages de l’indicateur

Comme évoqué plus haut, le pourcentage de stationnement de courte durée (soit moins de 15 minutes) peut être mobilisé en complément du taux de rotation à la fois pour cibler des zones prioritaires pour une politique de report modal vers des modes doux et pour suivre son efficacité. Si les extractions de Parking Map ne permettent pas de calculer ce pourcentage selon le jour de la semaine et l’horaire, elles fournissent néanmoins un détail par tranches de durée.

Le pourcentage de stationnement de courte durée est également un indicateur qui sert d’outil de diagnostic à employer en amont de l’élaboration d’une politique publique. Les données de janvier 2020 illustrent bien le type de diagnostic qui peut être fait. D’après ces données, un tiers des stationnements à Soissons aurait une durée de moins de 5 minutes7. La comparaison des pourcentages de stationnements de courte durée entre les zones est également éclairante. Comme l’onglet « Stationnement de courte durée » du tableau de bord le montre, toutes les zones présentent un taux de stationnement de courte durée de plus de 50% à l’exception de la Place Mantoue, pour laquelle ce pourcentage est de seulement 21%. Ceci indiquerait que la Place Mantoue ne devrait pas faire être une cible prioritaire d’une politique de report modal vers des modes doux. Il convient de signaler que, d’après les informations fournies par le prestataire de stationnement intelligent de la ville de Soissons, des disfonctionnements des capteurs ont fait remonter des données inexactes en janvier 2020 en ce qui concerne le stationnement de très courte durée. L’interprétation fournie ne doit pas donc être comprise que comme une illustration de comment l’indicateur relatif au stationnement de courte durée évoqué plus haut doit être interprété.

Le schéma ci-dessous synthétise, pour une zone donnée, les questions auxquelles chaque indicateur en lui-même et le croisement de deux indicateurs permettent de répondre. Dans certains cas, comme nous l’avons évoqué plus haut, la réponse aux questions nécessitera de mettre les valeurs des indicateurs en perspective par rapport à des seuils ou en comparant des zones. Par ailleurs, comme nous l’avons montré tout au long de cette section, en comparant plusieurs zones, la lecture d’un seul indicateur et le croisement d’indicateurs permettent de répondre à d’autres questions qui ne sont pas présentées dans le schéma.

Figure 7 : Questions auxquelles un indicateur et le croisement de deux indicateurs permettent de répondre pour une zone de stationnement donnée

4 - S’appuyer sur les informations pour faire évoluer les comportements

Nous avons à ce stade choisi et produit des indicateurs permettant à la ville de Soissons d’orienter et de suivre des politiques qui répondent aux objectifs de changement de comportement évoqués dans la section 2 et fourni des clés d’interprétation de ces indicateurs. Dans cette section nous synthétisons des leviers de changement de comportement possibles que la ville de Soissons pourra actionner pour atteindre ses objectifs en les reliant aux indicateurs. L’objectif de cette section n’est pas de développer ces leviers (lesquels seront évoqués avec plus de détail dans le livrable collectif de l’AMI) mais de montrer comment les indicateurs développés dans le cadre de l’accompagnement de Soissons pendant l’AMI peuvent être mobilisés pour actionner ces leviers. Nous visions de cette manière à accompagner la ville de Soissons dans l’exploitation de ses données dans l’objectif d’élaborer des outils de diagnostic, de ciblage et de suivi de politiques publiques de mobilité ainsi que d’alimenter l’évolution des comportements des habitants. En ce sens, ce document a vocation à être complémentaire aux actions qui se dégageront des études relatives à la mobilité que Soissons est en train de mener actuellement : si les données numériques ne suffissent pas à résoudre des problématiques de mobilité, elles constituent une matière riche pour élaborer et mener de manière efficace des politiques publiques qui les résoudront.

5 - Recommandations pour la suite

Les résultats obtenus pendant l’accompagnement de la ville de Soissons dans le cadre de l’AMI Open Data nous ont permis d’obtenir des résultats qui pourront donner lieu à des actions dans le court terme. En revanche, d’autres actions permettant de répondre aux objectifs établis dans la section devront être envisagés dans le moyen terme. Dans cette section nous livrons des recommandations qui tiennent compte de ces deux temporalités.

5.1 Recommandations de court terme

Recommandation #1 : Compiler les extractions de données de manière systématique dans une base de données

La production du tableau de bord a nécessité la compilation de nombreuses extractions générées par Parking Map. Compte-tenu du fait que Parking Map ne permet pas d’extraire des bases de données brutes, ce processus peut être laborieux du fait qu’il implique réaliser et compiler plusieurs extractions pour calculer la valeur d’un indicateur sur une période. Pour que le tableau de bord puisse être opérationnel dans la durée, nous recommandons de compiler de manière systématique les extractions de donnéesd’occupation de Parking Map dans une base de données. Ceci permettra de copier la période d’intérêt dans le tableau de bord au moment de réaliser une analyse et obtenir des résultats automatiquement.

Recommandation #2 : Mettre en place des politiques publiques suivant une logique d’expérimentation

Les politiques publiques évoquées dans la section 4 impliquent modifier les comportements habituels des habitants. Pour y parvenir, des résistances au changement vont devoir être levées. Il s’agit d’un processus qui requiert du temps et pour lequel procéder suivant une logique d’expérimentation permet de rendre plus acceptable le changement par les habitants. En outre, une expérimentation permet de tester des hypothèses et d’ajuster la politique en fonction de ses résultats, ce qui sera précieux pour mener des politiques à l’échelle du centre-ville de manière efficace. Les indicateurs développés dans le cadre de l’AMIpermettront de cibler les zones / jours de la semaine / horaires les plus propices à une expérimentation ainsi que de suivre ses résultats.

Recommandation #3 : Utiliser l’exploitation de la donnée comme un levier de création de transversalité entre les services de la mairie et l’agglomération

Le travail mené dans le cadre de l’AMI Open Data s’est centré sur les apports que l’exploitation de la donnée peut faire à la résolution de problématiques de mobilité qui impactent l’attractivité commerciale du centre-ville. Comme l’illustre le Tableau 1, la résolution de ces problématiques requiert des actions qui vont au-delà de la donnée et du numérique et qui vont nécessairement engager des agents responsables de la mobilité, l’attractivité commerciale et le centre-ville en général. Le travail collégial mené dans le cadre de l’AMI Open Data avec Lucie Billaud (Chargée de mission Smart City, ville de Soissons), Quentin Poilvé (Chef de projet Action Cœur de Ville, ville de Soissons) , Clotilde Cassemiche (Manager du Commerce, ville de Soissons) et Romain Maurice (Directeur Territoire-Habitat, Grands Soissons Agglomération) illustrent à quel point la transversalité entre les services est utile pour que la donnée puisse être mise au service des politiques publiques d’un territoire. Dans un contexte où Soissons est en train de mener plusieurs études qui aboutiront à des transformations du centre-ville et des pratiques de mobilité, reproduire cette démarche sera essentiel. De ce fait, nous recommandons d’utiliser l’exploitation des données réalisées dans le cadre de l’AMI, ainsi que toute autre exploitation des données, pour tisser des liens de transversalité entre les services qui seront amenés à travailler ensemble pour mener à bien les préconisations des études citées dans la section 1. Il s’agit de montrer aux différents responsables comment la donnée peut faciliter et enrichir leur travail en fournissant des outils d’aide à la décision, de création de nouveaux services et de pilotage de politiques publiques.

Recommandation #4 : Utiliser la datavisualisation pour communiquer auprès des décideurs et des habitants

La donnée peut être mobilisée pour faire évoluer les comportements des habitants et pour appuyer la prise de décisions des décideurs. Dans ce rapport nous avons apporté un outil de calcul et des éclairages méthodologiques sur comment exploiter ces données pour créer des indicateurs qui permettent de répondre à des problématiques de mobilité de Soissons dans ces deux sens. Cependant, un indicateur bien construit n’accomplira son objectif que si son usage est appréhendé par les décideurs et les habitants.

En ce sens, la datavisualisation a un rôle majeur à jouer. Pour accomplir son objectif, celle-ci doit respecter au moins deux principes. Premièrement, les informations véhiculées par la datavisualisation doivent être précises et complètes par rapport à l’objectif de communication de celui qui la produit. Par exemple, si l’on veut éviter que des automobilistes de rendent dans une zone de stationnement saturée à un moment précis, inscrire le nombre de places disponibles avec un code de couleurs dans un panneau de jalonnement dynamique (ex : « 3 places libres à l’Hôtel de ville » en rouge et « 45 places libres rue Saint Jean » en vert) permet d’offrir une information précise (l’automobiliste connaît le nombre exact de places) et complète (l’automobiliste a toute l’information nécessaire pour prendre une décision) pour que ceux-ci évaluent qu’il convient de se garer dans une zone faiblement occupée plutôt que dans une zone saturée. En revanche, si, en partant de la même base de données, on veut montrer au responsable de mobilité d’une ville quels quartiers manquent de places de stationnement, une heatmap ou « carte de fréquentation » (cf. illustration ci-dessous), bien que moins complète et précise (elle n’offre pas le nombre exact de places par zone de stationnement –complétude- ni dit de manière exacte dans quel degré une place est plus occupée qu’une autre – précision-) est suffisamment complète et précise compte-tenu de l’objectif, ce qui nous amène au deuxième principe : l’efficacité.

Figure 8: Heatmap des prix de l'immobilier à Amsterdam

Suivant l’exemple précédent, une heatmap est efficace pour montrer au responsable de mobilité quels quartiers manquent de places de stationnement parce qu’il transmet le message de manière claire en minimisant le temps d’observation tout en étant suffisamment précis et complet par rapport à l’objectif de communication. Le décideur pourra observer rapidement, par exemple, que le nord de la ville est en rouge foncé et que le reste de la ville est en vert. Le message aura été transmis de manière efficace sans besoin d’interpréter un indicateur ou de faire des calculs : les places de stationnement du nord sont sur- occupées.

Figure 9: Datavisualisation pour montrer l'impact du recours au bus et du covoiturage pour désencombrer les voies

Pour être efficace, une datavisualisation doit donc faire recours à une représentation cohérente avec le message que l’on veut faire passer avec la donnée sans offrir d’informations supplémentaires inutiles. Par exemple, si l’on veut montrer aux habitants comment l’usage du transport public et le covoiturage peuvent contribuer à désencombrer les voies, une représentation avec des icônes comparant le nombre de voitures à un seul occupant équivalentes à un bus ou à des groupes de covoiturage (cf. Figure 10) est une représentation cohérente et économe en informations. Si, en revanche, on veut illustrer auprès d’un décideur quels sont les signalements les plus récurrents dans une ville dans l’objectif de prioriser la réponse de la mairie, un treemap ou « carte proportionnelle » est une bonne option (cf. Figure 11) dans la mesure où elle met en relief les types de signalements les plus récurrents et montre dans quelle mesure ils sont plus récurrents que d’autres.

Figure 10: Exemple de treemap pour représenter la proportion de chacun des types de signalement

5.2 Recommandations de moyen terme

Recommandation #5 : Produire de nouvelles données relatives au vélo et l’équipement urbain

La réduction de la part modale de la voiture au profit de celle du vélo nécessite la création de pistes cyclables sécurisées ainsi que fournir aux habitants des espaces sécurisés pour garer des vélos. Une fois ces aménagements urbains réalisés, il est important de produire des données cartographiques qui les renseignent. Ceci permettra aux habitants de mieux connaître des alternatives à la voiture en visitant le site ou une appli de la ville ou d’un opérateur privé. En ce sens, il convient de mettre en open data ces données pour qu’elles soient diffusées et enrichies le plus possible. Par exemple, la qualification des pistes cyclables (sécurisée ou pas sécurisée, pente...), des espaces pour garer des vélos (à l’abri de la pluie ou pas) ou encore de l’équipement urbain en général peut servir à faciliter leur usage. Nous proposons d’utiliser Open Street Map, qui fonctionne avec des standards de données et en open data pour réaliser une première cartographie des équipements et encourager la communauté Open Street Map à l’enrichir. L’expérience de la ville de Digne-les-Bains (qui participe également de l’AMI Open Data) dans la cartographie collaborative avec la communauté Open Street Map peut être très utile pour entamer ce processus.

Recommandation #6 : Développer un logiciel de tableau de bord de la mobilité

Le tableau de bord développé par Chronos dans le cadre de l’AMI Open Data représente une solution opérationnelle de court terme qui permettra à la ville de Soissons d’exploiter les données dont elle dispose déjà pour agir dans le court terme sur les problématiques identifiées. Cependant, il présente deux limites. Premièrement, il s’agit d’un outil Excel, ce qui nécessite un travail manuel d’extraction des données produites par Parking Map pour l’alimenter. Deuxièmement, compte-tenu des objectifs de changement de comportement et des données existantes, il se limite aux données de stationnement produites par Parking Map. Cependant, d’autres données qui existent déjà et qui pourraient être croisées avec les données de stationnement (flux piétons, données sur les transports en commun, bornes arrêt minute...) pourraient être intégrées à un tableau de bord de la mobilité pour servir d’autres objectifs de politique publique, notamment dans un contexte de nombreuses transformations du centre-ville dans lequel s’inscrit l’AMI. Pour ces raisons, nous recommandons le développement d’un logiciel qui puisse récupérer les données de mobilité de diverses sources et prestataires et les croiser. Un tel logiciel devrait permettre également de mettre en open data les données que la mairie jugerait intéressantes à publier. Dans un tel logiciel, la flexibilité dans son adaptation aux besoins de la ville sera essentielle. La mairie devra être en capacité de produire de nouveaux indicateurs et de les mettre en perspective les uns avec les autres au fur et à mesure que ses besoins évolueront de façon à ne pas être limitée par les indicateurs ou les extractions par défaut du logiciel.

6 - Les documents de capitalisation

6.1 - Feuille de calcul des indicateurs

La feuille de calcul, format excel, est disponible ici. Elle peut être personnalisée par toute collectivité intéressée pour en faire un ouitl d'aide à la décision :

6.2 le rappport final

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