Synthèse de Culture D-ay

Une journée de présentation et d'ateliers qui a donné lieu à des retours très riches !

Cadre conceptuel, héritage et évolution de la data literacy : de quoi parle-t-on ?

Dans un monde où l’usage des données s’est généralisé, la maîtrise des données est perçue comme LA compétence-clé du XXIe siècle. D’un côté, pour former des citoyens capables d’en comprendre les enjeux dans une société aux prises avec les défis du numérique, et de l’autre, pour apporter un avantage compétitif dans une économie mondialisée de plus en plus connectée. Mais si on entend parler de data literacy, on entend aussi parler de culture des données, de littératie des données, et même de datalphabétisation, souvent de manière interchangeable, comme s’il s’agissait de synonymes. Est-ce vraiment le cas ? Quelle différence entre ces termes et surtout qu’impliquent-ils en matière d’application concrète ? C’est à cette question complexe qu’Ugo Verdi, enseignant au CNAM et doctorant à l’université de Bordeaux, a tenté d’apporter des réponses.

Si la data literacy, concept d’origine nord-américaine à l’héritage statistique, désignait au départ la capacité d’accéder, évaluer, manipuler, résumer et présenter les données (Shield), il a connu des évolutions au fil des années pour mieux prendre en compte les enjeux grandissants liés aux données. Il devient ainsi en 2013 “la capacité d’accéder, interpréter, évaluer, gérer, manipuler et utiliser de manière critique et éthique les données.” (Calzada-Prado & Marzal). Ainsi, un data literate (ou lettré des données) serait une personne capable de se frayer un accès vers des données, mais surtout de développer un état d’esprit critique vis-à-vis d’elles.

En français, le terme data literacy se heurte à de nombreuses traductions qui au-delà de la question terminologique, impliquent différentes mises en pratique. Le cas de Culture des données est un très bon exemple. Souvent utilisé comme synonyme de la data literacy, la culture des données renvoie aux valeurs, comportements, et normes des individus dans une organisation traitant des problématiques liées aux données (Kremser et Brunaueur). La culture est, comme le rappelait Goody en 2017, plus englobante, la literacy ne reflétant qu’une partie des actes culturels.

Dans le cadre du programme Culture D, c’est bien à la notion de culture des données que nous nous intéressons. L’objectif est d’aller au-delà de la question des compétences, et de prendre en compte les aspects collectifs de la culture des données tels que la vision et les valeurs communes.

C’est d’ailleurs par la question des implications individuelles et collectives de la culture des données que la session d’ateliers a débuté.

Dimension collective de la culture des données : comment développer et diffuser la culture des données au sein de l’organisation et/ou de la société ?

Cet atelier a commencé avec une consigne simple, identifier les éléments qui composent une culture de manière générale. Il s’agissait par la suite de transposer ces éléments à la culture des données pour imaginer comment celle-ci pourrait être développée :

  • Savoir

  • Savoir faire

  • Identité

  • Intemporel

  • Connaissance

  • Fréquentation

  • Intérêt commun

  • Valeurs communes

  • Des usages d’inter-communauté

  • Vision de l’avenir

  • Communauté de destin

  • Envie d’appartenance

  • Réassurance

  • Compatibilité

  • Histoire partagée

  • Appartenance

  • Besoins matériels/Artéfact

  • Spirituels/attentes

  • Empreintes

  • Universalité

  • Endurance

  • Nature

  • Graine, plante (champs qu’il faut arroser)

  • Socle commun

  • Compétences

  • Règles

Les échanges lors de cette étape de l’atelier ont également particulièrement porté sur le langage commun, qui permet la compréhension, la possibilité de coopération et qui est le véhicule de valeurs communes.

Les étapes suivantes ont consisté à transposer ces éléments à une démarche de construction d’une culture partagée de la donnée au sein d’une organisation ou de la société. Deux scénarios ont été imaginés, en voici la synthèse :

La collectivité du Listenbourg

  • Une ville médiane de 51 000 habitants

  • Dotée de 1500 agents, dont un service informatique, pas encore tourné data mais avec une grande volonté de construire une culture commune conjuguée à un objectif de faciliter la vie de chacun via la donnée.

    • Une approche différenciée selon le public cible pour favoriser l’adhésion.

    • La collectivité souhaite adopter une position fédératrice par des valeurs communes comme la transition écologique, notamment grâce à une éducation numérique autour de la sobriété énergétique et un cas d’usage data autour de la consommation d’eau.

    • Une approche qui inclut les agents, les élus, les décideurs et les citoyens.

    • Adopter une démarche en paliers/phases :

      • Sensibiliser (notions de bases)

      • Susciter l’intérêt (ce que cela change dans le quotidien)

      • Former (s’en saisir et en tirer avantage)

    • Les conditions de succès de cette démarche :

      • Portage politique/conduite du changement

      • Démocratie participative

      • Parcours adaptés aux spécificités

La communauté de communes

  • Une communauté de 150 000 habitants, regroupant 48 communes dont 5 de plus de 10 000 habitants et 43 de 100 à 10 000 habitants.

  • Elle est dotée de 3 000 agents, d’un service informatique de 30 personnes (une chargée du Système d’Information Géographique et un Délégué à la Protection des données, tous deux mutualisés)

  • Approche en trois phases :

    • Une enquête auprès des citoyens pour identifier les points d’intérêt et les cas d’usage possibles, et s’assurer un sponsor politique pour porter les cas d’usage.

    • Organiser des ateliers type Infolab qui mobilisent métiers et citoyens avec comme condition de succès : adhésion de toutes les parties prenantes et l’apport d’une vraie réponse aux besoins/cas d’usage.

    • Capitaliser sur les bonnes pratiques et travailler sur la réplicabilité de la démarche.

  • Les conditions de succès :

    • Portage politique fort et engagé

    • L’adhésion de la majorité des citoyens (pas uniquement les geeks !)

Dimension individuelle de la culture des données : quels besoins et contraintes à l’acculturation aux données ?

Lors de cet atelier, l’objectif était d’identifier les besoins et les contraintes individuels de l’acculturation aux données, et cela en partant de Persona représentatifs de l’un des publics cibles du programme Culture D (agents, élus, médiateurs, citoyens).

Les profils

Les besoins identifiés

Comprendre les données (les fondamentaux)

  • Notion RGPD

  • Connaître le cycle de vie des données

  • Connaître les flux des données

  • Stratégie, gouvernance

  • Gestion des données

  • Notions SIG

  • API

  • Qualité des données et métadonnées

  • Standards de partage des données

  • Validateurs de données

Utiliser les données

  • Mise en place d’hackathon design thinking pour identifier des cas d’usage

  • Savoir utiliser des outils de datavisualisation et tableaux de bord

  • Mobiliser des close data

Communiquer sur les données

  • Connaître et faire connaître une démarche open data

  • Embarquer les équipes dans une démarche d’acculturation aux données et/ou une stratégie data

  • Savoir faire la synthèse et prendre les décisions

Contexte et métier

  • Découvrir et mieux connaitre les données métiers (géographie/urbanisme, transition écologique, mobilité, etc.)

  • Cartographier des acteurs territoriaux métiers

  • Connaitre les services/les outils techniques existants

La journée s’est poursuivie avec des ateliers autour des parcours d’acculturation. L’objectif était alors d’imaginer à quoi pouvait ressembler des parcours tant sur le fond (contenu) que sur la forme (séquence).

Les parcours d’acculturation aux données

L’après-midi a été consacrée à la réflexion autour des parcours. En partant des profils imaginés pendant la matinée, l’objectif était alors de dessiner le parcours le plus adapté à chaque profil et en mesure de lui permettre de s’acculturer aux données, en prenant en compte les besoins et les contraintes.

Les quatre profils et parcours imaginés étant relativement proches, nous avons décidé, dans un souci de synthèse, d’en tirer un parcours type qui serait destiné à des agents de collectivités territoriales de taille moyenne (villes et agglomérations de 10 000 à 100 000 habitants) et qui permettrait aux agents d’acquérir un niveau intermédiaire.

Les compétences visées par ce parcours sont :

  • Comprendre les données

  • Connaître le cadre légal et les enjeux de gouvernance et de souveraineté

  • Exploiter les données à travers des tableaux de bord et/ou de la datavisualisation

  • Maîtriser le contexte métier lié aux données

Témoignages, questions et pistes d’actions

Cette journée a été rythmée par de nombreux témoignages et échanges qui sont venus enrichir la réflexion autour de la culture des données. Ils nous ont inspiré, posé des questions et ouvert des pistes d’actions.

Nous avons eu le plaisir d’accueillir des porteurs de projets autour de l’acculturation aux données qui nous ont partagé leur expérience et expertise. Ces interventions nous ont permis de considérer les données autrement, par exemple, comme un matériau artistique que l’on peut appréhender de manière tangible.

Nous remercions Hélène Bégon (Ecolab, MTE), Florence Haxel (Datalogy), Augustin Courtier (Open Data University), Quitterie de Marignan (Indice de Fragilité Numérique), Justine Sperandio-Martinez (DATAcculturation), Sylvia Fredriksson, Gabriel Martinez Servili, Eva Vedel et Amélie Samson (programme DATA_Sculptures, ESAD Orléans) pour leurs précieux partages !

Les questions :

  • Comment concilier la culture des données et les cultures « associées » ? Par exemple, un citoyen est-il capable de mobiliser des données de l’eau pour contribuer à la transition écologique sans une éducation dans le domaine hydrique ?

  • Comment identifier les points d’accroche et susciter l’adhésion (les bénéfices au quotidien, les avantages, l’intérêt, etc.) ?

  • Comment évaluer la progression lors d’un parcours d’acculturation (outils et critères d’évaluation) ?

Les pistes d’actions :

  • Développer et partager un lexique des données pour favoriser la diffusion d’un langage commun. Un lexique original (qui ne soit pas nécessairement sous forme de dictionnaire) et accessible à tous (effort de vulgarisation).

  • Concevoir une méthodologie d’immersion (portes ouvertes, expéditions apprenantes, etc.) pour répondre à la demande/besoin d’une démarche d’acculturation pratique et concrète.

Et maintenant ?

Si vous avez parcouru cette synthèse, c’est qu’il y a de fortes chances que vous soyez intéressé.e.s par le sujet de la culture des données et que vous puissiez contribuer au projet. Pour cela, vous pouvez vous inscrire sur la liste de la communauté du projet afin que nous puissions vous tenir au courant des prochaines étapes. Nous vous invitons aussi à parcourir l’inventaire des outils d’acculturation aux données que nous avons pu identifiés jusqu’à présent et à y contribuer à votre tour !

Pour toute question, écrivez à Sarah Medjek, cheffe de projet Culture D : smedjek@opendatafrance.email !

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