Nous présentons à travers ce programme la façon dont les collectivités (ou acteurs territoriaux) se sont emparées des données publiques pour enrichir et optimiser les services publics. Il nous semble utile de tirer ici quelques leçons des projets menés par ces collectivités
(signalons que ces enseignements avaient été soulignés lors des expérimentations Action Coeur de Ville Data, ils sont içi généralisés à champ beaucoup plus vaste
Signalons que ces enseignements avaient été déjà développés lors des expérimentations Action Coeur de Ville Data, ils sont ici généralisés au champ plus vaste des cas d'usages de la donnée sur l'ensemble du territoire français.
Les politiques de transition environnementale sont nombreuses et variées et concernent de multiples services (espaces verts, urbanisme, logement, mobilités, gestion des réseaux, etc.). Pour mener de tels projets, une problématique et apparue : les équipes doivent regrouper de plusieurs services, des partenaires externes, parfois spécialistes uniquement de la donnée, parfois de la transition environnementale sur telles thématiques, rarement les deux compétences métiers ET data. Alors que la constitution de binômes métiers / data relève déjà d’un exercice fragile (vocabulaire, compétences spécifiques, feuille de route, coordination projet inter-service, portage politique), les projets de transition environnementale réunissent encore davantage d’acteurs. La gouvernance de ces projets pour faire coopérer des acteurs ayant des cultures et des compétences assez différentes est donc un enjeu majeur à anticiper.
Les politiques de transition environnementale, transverses par excellence, supposent que les compétences et l’exploitation des données se fassent nécessairement à plusieurs échelons administratifs (commune, intercommunalité, départements, régions et services déconcentrés de l’État). À défaut d’une parfaite collaboration entre les échelons, les données produites et réutilisées par chacun d’entre eux doivent pouvoir être facilement accessibles, de préférence en open data ou dans des cercles de confiance ouverts. Force est de constater que ce n’est pas encore le cas partout. Lors de la mise en œuvre des projets liant data et enjeux écologiques, des obstacles peuvent apparaître en raison du manque de moyens techniques et humains des communes et de données vraiment accessibles (absence d’inventaire data réalisé en amont, difficulté d’acquisition des bons logiciels, manque de compétences en interne). Malgré l’obligation légale d’ouverture des données promue par la loi République Numérique dès 2016, l’open data n’est pas toujours un réflexe : pas de données, pas de services pertinents. Il est donc indispensable que toutes les collectivités publiques publient systématiquement les données qu’elles produisent et qu’elles insistent auprès des autres acteurs publics pour que leurs données soient aussi librement accessibles et de qualité.
Les services métiers sont souvent dépendants de l’expertise technique data d’un service spécialisé (Direction des Services Informatiques, service SIG ou autre). À l'exception de pratiques métiers très spécialisées, les services expriment, de façon systématique, le besoin de monter en compétences pour collecter, manipuler et valoriser des données, internes ou externes. Dans ce sens, la formation des agents territoriaux à la donnée se révèle aujourd’hui essentielle.
La plupart des porteurs de projet font part de la complexité, et souvent de la non-pertinence, des masses gigantesques de données issues des différentes sources disponibles. Souvent pensées dans une approche strictement “producteurs” et pour des cercles fermés de réutilisateurs, les données ne sont pas Faciles à trouver. Elles ne sont pas souvent librement Accessibles (contrôle d’accès ou visualisation sans téléchargement possible). Elles sont difficilement exploitables par manque d’Interopérabilité (des référentiels techniques, temporels et spatiaux inadaptés ou incompatibles). Enfin, elles ne sont pas pensées pour leurs futures Réutilisations (interface technique complexe, peu adaptée à l’usage réel des collectivités). Ces principes pour une bonne réutilisation des données publiques, connus sous le terme “FAIR data” ne sont pas assez pris en compte par les producteurs de données publiques.
Face à la complexité croissante de la réglementation, la diversité des acteurs et des jeux et formats de données, il est indispensable de disposer d’un vocabulaire data et d’indicateurs communs. Au regard de la multiplicité des indicateurs de la transition environnementale, les collectivités locales doivent aujourd’hui prioriser leurs objectifs. Cette priorisation se réalisera en fonction de la réalité de leur territoire, le but principal étant d’aboutir à des projets pérennes. Aussi, le principal enjeu pour les porteurs de projet réside dans la mobilisation des ressources dans la durée (compétences, partenaires et budget). Un portage politique fort s’avère donc essentiel. Il s’agit de privilégier le long-terme, en se focalisant sur une phase de conception (d’une action ou solution étudiée) suffisamment solide pour bien intégrer l’ensemble des acteurs concernés. Pour cela, des alliances et coalitions d’acteurs territoriaux sont à construire, s’appuyant notamment sur les membres de la société civile.
Si l'Intelligence Artificielle a fait irruption dans le débat public début 2023 avec des moteurs grand public (ChatPGT, OpenIA, ..), il ne faut pas oublier que l’IA est utilisée depuis des décennies dans le monde professionnel (industries, recherche, défense, etc.). Depuis longtemps des algorithmes puissants permettent la production de connaissance et des simulations dans le monde cartographique ou météorologique. Il est vrai cependant que des progrès très importants ont été faits ces dernières années dans les traitements profonds (deep learning et IA générative) s’appliquant à de grands gisements hétérogènes de données (Datalake). Ces outils s’introduisent progressivement dans les pratiques des acteurs publics pour produire massivement des données, les corriger, les enrichir d’une part, exploiter ces nouvelles connaissances pour comprendre et anticiper des phénomènes complexes d’autre part. Que se soit l’exploitation d’images, l’analyse de bases de données documentaires, la corrélation entre différentes sources, la généralisation de l’utilisation de l’IA change radicalement la puissance des traitements. On verra dans ce dossier les cas de la modélisation de situations dues aux changements climatiques, l’observation de l’artificialisation des sols, l’évaluation des potentiels énergétiques de bâtiments, la planification des mobilités, etc. Parce que de grands acteurs internationaux ont pris une avance sur ces outils, les collectivités qui utilisent l’IA doivent préserver leur souveraineté en s’assurant de la maîtrise des traitements et des données générées, et du respect des réglementations (données à caractère personnel, licences, protection de la vie privée, charte éthique locale).. Des entreprises françaises, citées dans ce rapport, sont automnes et proposent des services très convaincants qui utilisent l’IA. L’Etat et les collectivités anticipent cette exploitation massive en développant des outils souverains et en mettant en place des gardes-fous.
Malgré les difficultés évoquées ci-dessus, il est notable de constater la volonté de nombreux acteurs territoriaux, leur inventivité, leur courage parfois. Ils, souvent elles, ne lâchent rien, cherchent des solutions, demandent de l’aide, souhaitent partager leurs progrès. Un tel enthousiasme doit inciter les organismes qui en ont la compétence, à l’échelle locale ou nationale, à mieux accompagner et mieux outiller les villes, en particulier celles de taille intermédiaire qui ont des obligations et peu de moyens.