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Gouvernance, coopération et Open Data en synthèse
L'ouverture de la donnée ne peut s'opérer sans une gouvernance qui lui est attachée pour en garantir son utilité, utilisabilité et utilisation. Elle doit s'inscrire dans une politique ad hoc pour que tous les acteurs qui gravitent sur sa chaîne de valeur agissent dans un cadre de confiance au sein duquel ils ont conscience de leur périmètre d'action et de leurs responsabilités.
L'Open Data est l'essence même de la coopération. C'est parce qu'il y a partage qu'il y a échange et création de valeur. 1 + 1 = 3, c'est l'équation de l'Open Data.
De l'accès "simple" à la donnée ouverte, jusqu'au projet collectif s'appuyant sur elle ou encore au commun numérique, l'Open Data peut être le socle :
d'une efficience du service public,
d'une optimisation des ressources,
de la création d'une dynamique territoriale, nationale, voire mondiale quand il s'agit d'adresser la transition environnementale.
Pour mener une oeuvre commune - coopérer - le partage de données est un préalable et leur ouverture indispensable. Pour aller plus loin et envisager une mutualisation, c'est à dire une mise en commun de moyens (humains, financiers, logistiques... ) pour réaliser des économies d'échelle, l'open data est d'autant plus nécessaire : elle objective la situation par la transparence qu'elle induit, elle porte à connaissance du plus grand nombre l'action commune menée, elle permet aux parties prenantes de s'emparer des sujets dans un cadre garantissant l'égalité d'accès à l'information.
L'Open Data s'entend ainsi comme vecteur de collaboration entre collectivités. Elle peut alimenter la nécessaire adhésion aux objectifs des parties dans le cadre de l'établissement d'un partenariat entre acteurs du secteur public et/ou privé, du monde académique (travaux de recherche par exemple)...
L'Open Data est également l'aboutissement de démarche de co-contruction de bases de données avec la société civile : le crowdsourcing ("approvisionnement par la foule" ou encore "co-production avec les citoyens") est une dynamique qui mobilise des contributeurs qui deviennent ainsi des acteurs de la donnée, aussi bien producteur qu'utilisateur de la donnée ouverte.
Dans cet esprit des ressources partagées, gérées et maintenues collectivement par une communauté, il est essentiel d'aborder les Communs et de s'interroger collectivement sur l'intégration de l'Open Data dans ce cadre (voir les articles "Les communs numériques" - Le Monde Septembre 2021 et "Théorie des communs administratifs" - Banque des Territoires Août 2020 ou encore le site de la Mission Société Numérique - ANCT - dédié aux Communs).
Enfin, la coopération ne s'envisage qu'avec l'élaboration et l'application d'une gouvernance de la donnée, c'est à dire la définition des procédures et des responsabilités des intervenants (personne, structure) dans le cycle de vie de la donnée, y compris sa valorisation. Il s'agit de garantir la qualité et la sécurité des données ouvertes, d'identifier qui peut effectuer une action dans la gestion d'une donnée et selon une méthode pré-déterminée, de suivre son linéage... et comment, le cas échéant, on peut établir un cadre d'exploitation (Intelligence artificielle éthique par exemple explorée par Ekitia) sans pour autant aller à l'encontre de la philosophie de l'Open Data (principe de la réutilisation libre). La gouvernance est avant tout question d'établissement de dialogue entre acteurs de la donnée.
D'après le Guide des coopérations publié en 2019 par le Gouvernement français, "la mise en place, temporaire ou pérenne, de moyens communs à deux ou plusieurs personnes morales", autrement dit la coopération voire la mutualisation peut aller d'une "simple" mise à disposition de services ou d'équipements par un partenaire au service d'autres personnes publiques, elle peut passer par la création d'un service commun spécifique qui intervient pour tous les partenaires. Ultime stade de coopération, des communes peuvent transférer leurs compétences vers une structure (établissement public de coopération intercommunale) qui les met en œuvre pour tout le territoire concerné... Quel que soit le socle de ce partenariat, il nécessite un partage d'information, une transparence de l'action menée au profit de toutes les parties prenantes.
L'ouverture de données propres aux objets de cette coopération permet une objectivité bénéfique à la confiance qui sous-tend chaque partenariat. L'Open Data peut être intégrée dans la convention qui va lier les parties, elle peut ainsi être mise au service des acteurs de ce partenariat comme des citoyens qui auront la preuve des retombées positives de cette coopération, ou qui pourront accompagner les partenaires dans la résolution de défis nouveaux apparaissant dans la mise en oeuvre de la coopération.
Des observatoires partenariaux lancés sur certains territoires traduisent cette coopération ouverte et transparente, gage de confiance et de responsabilité des acteurs publics impliqués. Dans cet esprit, on peut souligner l'approche de l'Observatoire de la commande publique de la Région Bretagne.
La production participative ou crowdsourcing permet de constituer une base de données ouvertes par "l'utilisation du travail, de la créativité, de l'intelligence et du savoir-faire d'un grand nombre de personnes" (Wikipédia "Production participative"). On peut également traduire littéralement "crowdsourcing" par l'"approvisionnement par la foule".
Il s'agit pour plusieurs contributeurs de créer et d'actualiser une même donnée. C'est une garantie de complétude, de qualité et de perennité.
Parmi les exemples emblématiques, Wikipédia est l'encyclopédie universelle libre et participative en ligne. Dans le domaine des données, OpenStreetMap est la carte coopérative libre, alimentée par des millions de contributeurs dans le monde, dont des colectivités territoriales, elle-mêmes en tant que structures ou leurs propres agents contributeurs. Cette démarche collaborative de cartographie en ligne permet de constituer une base de données géographiques ouvertes et exploitables universellement. Elle est diffusée sous licence "Open Database License" (ODbL) permettant à chacun d’exploiter publiquement, commercialement ou non, cette base de données, à condition de maintenir la licence sur la base de données, sur les modifications qui y sont apportées, et de mentionner expressément l’usage, s’il génère des créations à partir de celle‐ci.
Le crowdsourcing se développe au coeur des territoires comme au sein des administrations de l'Etat afin de cosntituer des bases de données ouvertes les plus qualitatives en mobilisant plusieurs acteurs qui vont co-construire et faire évoluer collectivement un même jeu de données. La base nationale de référence des adresses (https://adresse.data.gouv.fr) peut être considérée comme crowdsourcée car alimentée par l'ensemble des communes françaises à terme. Il existe aussi des initiatives très locales comme le projet participatif Manger Local https://mangerlocal.grandlyon.com.
La donnée mobilise par essence plusieurs individus quelle que soit la taille de la collectivité. Production, gestion, diffusion, utilisation, valorisation interne ou "externe" par des tiers, vont nécessiter une réflexion ou une action de multiples acteurs qu'il est nécessaire de coordonner.
La gouvernance de la donnée va garantir la pleine maitrise de la donnée par la collectivité, sa souveraineté, la protection comme le respect des obligations réglementaires et une meilleure fiabilité et valorisation de la donnée. Le terme de gouvernance désigne les mesures, règles, organes de décision, d'information pour un controle et bon fonctionnement. Il s'agit de définir qui fait quoi, selon quelle méthode et avec quelle responsabilité sur l'ensemble de la chaine de valeur de la donnée.
La gouvernance de la donnée exige de :
Définir des rôles et responsabilités qu'ils soient à visée stratégique ou opérationnelle. En premier lieu, toute gouvernance de la donnée s'appuie sur un exécutif, un.e élu.e en charge de la politique de la donnée : le.a Maire, le.la Président.e ou l'adjoint.e, le.a vice-Présidente en charge du numérique, de la donnée ou plus explicitement, de l'Open Data. Le processus de décision, la posture des décideurs (élus, manageurs), le "risque" qu'ils assument, doivent être clairs. Les rôles administratifs sont ensuite propres à chaque organisation et leur dénommination même varie selon les choix opérés par la collectivité. On peut affirmer qu'une démarche d'ouverture des données ne peut s'opérer que par la désignation d'un agent la portant et l'incarnant. C'est un.e chef.fe de projet Open Data, un.e administrateur.trice général.e des données (voir pour référence la démarche de l'Etat avec dès 2014, la désignation de son Administrateur Général des Données suivie de celles de plusieurs "AGD" ou "CDO" comme "Chief Data Officer" au sein de collectivités puis dernièrement dans chaque Ministère), un.e chargé.e de mission Open Data ou responsable de service dédié... Ce peut être un.e directeur.trice ou une direction qui s'empare du sujet. De manière plus opérationnelle, on trouve les rôles de dataowner, datasteward ou dataarchitect, datascientist, toutes ces fonctions sont endossées sans forcément être inscrites dans l'organigramme de la collectivité. La gouvernance en place doit clairement désigner les périmètres de responsabilité des intervenants sur la chaine de valeur de la donnée au sein des services métiers, de ceux des systèmes d'information, des services en charge de l'innovation numérique quand ils existent, ainsi que, le cas échéant, de la personne ou du service en charge de l'Open Data,
Mettre en place des instances politiques, de pilotage et décisionnelles, de mise en oeuvre et opérationelles. La coordination des actions garantit le traitement des tâches nécessaires au cycle de vie de la donnée. Ces instances peuvent être aussi bien internes que partenariales en intégrant les réutilisateurs de la donnée pour en améliorer l'utilisabilité.
Etablir des processus et méthodologie relatifs à la génération, la gestion, la sécurisation (informatique et juridique) et au partage de la donnée afin d'en garantir la qualité, l'interopérabilité, la validité et la traçabilité. Désigné généralement par le sigle MDM comme "Master Data Management", c'est la démarche qui consiste en une supervision globale des données et plus pragmatiquement, elle débute par un inventaire des données (pas seulement celles destinées à être ouvertes), puis de définir leurs "points de vérité", c'est à dire l'emplacement de leur source garantissant leur intégrité (généralement au coeur des métiers exercés par les services de la collectivité). Puis, selon des techniques plus ou moins avancées (du simple tableur à la plateforme de MDM), le cycle de vie de la donnée (création, modification, suppression) est tracé afin de garantir leur fiablité. Enfin, il s'agit de simplifier leur accès par des applications, ou de garantir leur ouverture par défaut,
Identifier des modes de valorisation de la donnée et les favoriser en interne avec une réappropriation de la valeur de la donnée au travers du développement de services publics numériques, de la data analyse, data science, de l'intelligence artificielle d'intérêt général comme en "externe", c'est à dire l'exploitation par des tiers, acteurs publics, privés (startups, entreprises, plateforme), monde académique (etudiants, chercheurs) ou associatifs.
La gouvernance de la donnée ne peut s'opérer que sur la base d'une stratégie de la donnée permettant de fixer le sens, les valeurs communes et les enjeux qu'entend relever la collectivité au service de l'intérêt général. Dans cet esprit, les chartes de la donnée edictées par plusieurs collectivités dont la pionnière Nantes, sont un socle interessant pour élaborer une gouvernance territoriale de la donnée.
Un guide des chartes territoriales de la donnée a été élaboré à l'initiative des Interconnectés. C'est un commun qui vise deux objectifs : capitaliser sur les démarches des collectivités territoriales ayant déjà élaboré une charte et accompagner celles qui entendendent lancer leur projet.
De nombreux acteurs ont analysé et défini des process de mise en oeuvre de la gouvernance de la donnée tels que :
le Ministère de l'Economie et des Finances et de la Relance avec Civitéo dans une approche plus globale de territoire intelligent,
l'OCDE,
DAMA France avec le référentiel DMBOK (Cadre Fonctionnel De la Gestion des Données)
La Ville et Métropole de Rennes dans le cadre du projet RUDI (Rennes Urban Data Interface)...
Des ressources précieuses pour co-construire une gouvernance de la donnée.