La transformation numérique de l'action publique engendre la recherche constante d’équilibre entre efficience et qualité de services. La mobilisation en interne de “données métiers” aide à mieux évaluer, piloter et accompagner les politiques publiques, mais aussi à créer de nouveaux services au public correspondants aux usages et aux attentes des utilisateurs, et enfin à améliorer la performance des processus y compris administratifs des collectivités.
La dynamique d’ouverture des données qui s’est accélérée à partir de 2016 après la promulgation de la Loi pour une République numérique, voit la croissance du nombre de territoires engagés dans l’open data ralentir dès 2022. On peut juger cette situation préoccupante ou, avec une analyse plus fine, constater que les collectivités se réapproprient dorénavant et dans un premier temps, leur patrimoine de données, pour mieux envisager dans un second temps une ouverture de données de meilleure qualité dont la pérennité de la diffusion est assurée. L’exemple du département de la Mayenne (projet “CloseData”) est en cela, emblématique.
Aussi, on constate que la communication, la sensibilisation autour de l’open data, les initiatives militantes pour le droit d’accès à la donnée, ont porté leurs fruits, car si des collectivités territoriales n’ont pas forcément mis en œuvre l’open data, leurs élus, leurs agents, ont maintenant bien compris le potentiel que recèlent les données. De plus en plus nombreux à initier un pilotage des politiques publiques par des tableaux de bord, observatoires, superviseurs… Ils ont une vision de la donnée plus globale et dédient moyens et ressources pour garantir à la puissance publique l’accès aux données servant l’intérêt général, celles qui sont ouvertes comme celles qui ne peuvent pas l’être.
L’enjeu est d'alimenter l’”hypervision” du territoire et on trouve dans cet esprit Toulouse Métropole avec sa plateforme IA Data de pilotage du territoire via notamment les données issues de capteurs (IoT), Coeur-Entre-Deux-Mers avec sa démarche de maîtrise du foncier agricole, le projet “Terreze” de l’agglomération et de la ville de La Rochelle pour atteindre la neutralité carbone, Ekitia avec une approche partenariale de l’exploitation éthique des données… Malgré le glissement de l’ouverture vers la notion de partage ou d’accès, il subsiste toujours une forte corrélation entre l’engagement dans une démarche open data d’un territoire et le développement d’usages - dont le pilotage des politiques publiques - par ses services et par son écosystème local : la culture de la donnée qui émerge nourrit à la fois la dynamique de diffusion des données et les pratiques de réutilisation.
Au-delà du service d’information géographique, de la direction du numérique ou informatique, souvent les premiers à avoir traduit opérationnellement les obligations de mise à disposition des données, l’open data a désormais, dans les plus grandes collectivités, une organisation dédiée (Direction de la donnée, service de gouvernance de la donnée…). De même l’instauration du Règlement Général européen de Protection des Données (RGPD) a nécessité une formation touchant un grand nombre d’agents au cœur des services assurant les missions opérationnelles de la collectivité. Ainsi, en traitant globalement de son accès, ou en engageant des démarches pour améliorer sa qualité, sa sécurité, on a replacé la donnée au cœur même de l’action des directions métiers (traitant notamment des transports, du social, de l’urbanisme…). L’arrivée dans leurs services de data scientists, data stewards, et même d’Administrateurs généraux de données énergie, mobilité… prouvent la volonté accrue d’exploiter toujours plus finement les données pour adapter leurs actions dans un contexte de raréfaction de l’argent public. Les métiers ont en outre l’avantage de pouvoir juger plus aisément de l’impact de cette nouvelle exploitation des données car ils sont en prise directe avec le “terrain” et leurs usagers (compétences liées à l'assainissement, à l’eau potable, aux prestations sociales, aux transports, etc).
On observe donc une montée significative en compétences des plus grandes collectivités, passant d’une approche technologique à l'élaboration d’une vision politique de la donnée, atout majeur pour faire de cette donnée la clé du pilotage de l’action publique. Il est maintenant essentiel d’accélérer la mutualisation en encourageant ces collectivités, généralement de strate administrative supérieure (Métropole, Département, Région), à accompagner les collectivités sans ingénierie (communes notamment). Ces démarches de soutien existent déjà et ont montré leurs bénéfices sur le pilotage global des politiques locales, en permettant leur alimentation en données issues de différentes collectivités agissant pour, et sur, un seul et même territoire.
On observe en parallèle une réappropriation par les collectivités matures de la valeur des données rendues accessibles pour leurs propres services, et la mise en œuvre d’une véritable “data driven policy” voire d’un “data-driven public sector” avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, sous réserve de sa maîtrise et de son explicabilité. Parmi les exemples : optimisation et prédiction de l’approvisionnement des cantines par Nantes Métropole, analyse prédictive des conflits d'intérêt des élus par Toulouse Métropole, optimisation et massification de la rénovation - “tRess” - avec une reconnaissance d’images par la Région Hauts de France…
Enfin, le fait de considérer la donnée comme un actif stratégique par les collectivités, une ressource collective, un “commun”, offre à la donnée une nouvelle dimension au cœur de l’action publique. Il est ainsi plus légitime de lui dédier des moyens, pré-requis nécessaires à sa montée en qualité, et souvent obtenus via des réponses aux appels à projets nationaux ou européens. Lorsque les services internes travaillent ainsi à améliorer leurs propres données, elles seront logiquement ouvertes dans des conditions de meilleure “utilisabilité” aux acteurs “externes” à la collectivité (autres administrations, entreprises privées, associations, chercheurs…).
Parmi les cas exemplaires, le PCAET du Val de Cher Controis. Il s’est appuyé sur des données dont tout le cycle de gestion a été repensé, optimisé et automatisé, et tous ses acteurs ont été mobilisés et responsabilisés pour délivrer des indicateurs permettant de piloter efficacement la politique environnementale de ce territoire.